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Nouvelles
  • 09.09.2020

Les pays africains reconnaissent le rôle crucial des enseignants dans la promotion d’une éducation de la petite enfance de qualité

Le Colloque africain sur la qualité de l’éducation de la petite enfance et la professionnalisation des éducatrices et des éducateurs s’est tenu les 4 et 5 décembre 2019 à Casablanca (Maroc). Le colloque a été organisé à la suite d’une recommandation du Groupe thématique sur l’éducation préscolaire de l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, qui met au point des initiatives visant à améliorer la quantité et la qualité des enseignants à tous les niveaux de l’éducation, et facilite l’échange d’expertise relative aux dimensions clés de la profession d’enseignant.

Le colloque a été organisé par le ministère de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du Royaume du Maroc, l’Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation internationale du Travail (OIT), en partenariat avec la Coopération technique allemande au développement (au nom du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement [BMZ]), l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030, la Fondation marocaine pour la promotion de l’éducation préscolaire (FMPS), le Centre régional pour la qualité et l’excellence de l’éducation et la Coopération monégasque au développement.

Le colloque de deux jours, ouvert par M. Saaïd Amzazi, ministre de l’Éducation nationale, de la Formation professionnelle, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique du Maroc, a rassemblé des participants et des experts de 18 pays africains[1], représentant des gouvernements, des organisations patronales et syndicales, des organisations de la société civile et des organisations internationales.

D’après Mme Golda El-Khoury, Directrice du Bureau de l’UNESCO au Maghreb, « cet événement constitue un jalon important dans les efforts déployés par l’UNESCO dans le domaine du perfectionnement des enseignants, car c’est la première fois que nous organisons un colloque explicitement axé sur le développement et la gestion de la profession d’enseignant adaptée à nos citoyens les plus jeunes – à savoir, les éducateurs spécialisés dans la petite enfance ».

Akira Isawa, Directeur adjoint du Département des politiques sectorielles de l’OIT, a déclaré : « nous nous réjouissons que la conférence se soit intéressée aux dimensions éducatives et professionnelles des enseignants et des éducateurs spécialisés dans la petite enfance. La qualité de l’éducation de la petite enfance repose sur la formation et la préparation adéquates des professionnels, ainsi que sur les conditions de travail décentes qui contribuent à l’attractivité de la profession. »

Les discussions ont relevé que la qualité des services d’éducation de la petite enfance est tributaire des éducateurs spécialisés, qui sont rarement au cœur des politiques et des investissements. De nombreux éducateurs préscolaires sont peu qualifiés, sous-payés, travaillent dans des conditions inadéquates et manquent de reconnaissance. Dans près d’un quart des 80 pays à revenu faible et intermédiaire, moins de la moitié des éducateurs du préprimaire satisfaisaient aux exigences nationales en matière de formation en 2009[2].

Les qualifications, la formation initiale et la formation professionnelle représentent un défi en particulier en Afrique subsaharienne où, en 2017, seuls 54 % des enseignants du primaire étaient formés, contre 88 % en Afrique du Nord (UNESCO-ISU). De plus, la pénurie d’enseignants qualifiés était particulièrement importante dans les régions isolées, rurales et marginalisées, où le besoin d’une éducation de la petite enfance se fait le plus sentir[3]. Les participants au colloque ont discuté des conditions de travail et ont reconnu que si le nombre d’heures de travail des enseignants est généralement similaire dans le préprimaire et le primaire, les premiers exercent dans des conditions moins bonnes et reçoivent une rémunération moins élevée, d’où leur moindre satisfaction professionnelle et leur fort taux de roulement. Ils ont également débattu des problèmes liés à la collecte de données étayant l’élaboration de profils de pays sur le personnel de l’éducation de la petite enfance, et de la nécessité de disposer de données à jour afin de prendre des décisions éclairées à cet égard.

Ils ont, par ailleurs, reconnu le rôle essentiel des enseignants de la petite enfance dans la mise en place de bases solides pour la formation tout au long de la vie et pour l’épanouissement des enfants. Sans enseignants bien formés, motivés, attentifs et réactifs, les jeunes enfants sont privés d’apprentissage de qualité ; il est donc nécessaire d’accroître les investissements durables dans la formation, d’améliorer les conditions et de développer les parcours professionnels et les perspectives de carrière du personnel de l’éducation de la petite enfance.

La Déclaration de Casablanca est l’un des principaux résultats du colloque. La déclaration reconnaît que les enseignants et les éducateurs qualifiés sont essentiels à l’éducation de la petite enfance de qualité, et qu’un travail décent constitue une stratégie fondamentale pour attirer et retenir ces professionnels. Plus concrètement, elle

  • reconnaît que les enseignants et les éducateurs qualifiés sont essentiels à l’éducation de la petite enfance de qualité et que la professionnalisation des enseignants et des éducateurs, ainsi que des conditions de travail décentes constituent une priorité pour atteindre la cible 4.2 des ODD ;
  • préconise l’institutionnalisation de la formation initiale et continue pour tous les chefs d’établissement, enseignants, éducateurs et puériculteurs contribuant à l’éducation de la petite enfance, ainsi que la reconnaissance et la valorisation de leur profession en garantissant des conditions de travail décentes et leur participation aux décisions concernant leur travail ;
  • reconnaît qu’un travail décent et un dialogue social s’inscrivent dans une stratégie essentielle visant à attirer et à retenir les enseignants et les éducateurs spécialisés dans la petite enfance ;
  • s’engage à renforcer la coopération et l’échange d’expertise au niveau régional et interrégional afin d’améliorer la qualité de l’éducation de la petite enfance, et à œuvrer à l’élaboration et à la mise en place d’un cadre qualitatif pour l’éducation de la petite enfance (dont un cadre des compétences des enseignants et des éducateurs).

 

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[1] Afrique du Sud, Algérie, Bénin, Burundi, Cameroun, Comores, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Gambie, Guinée, Libye, Maroc, Mauritanie, Nigéria, Rwanda, Sénégal, Togo et Tunisie.

[2] OIT, 2013. Directives de l’OIT sur la promotion du travail décent pour le personnel de l’éducation de la petite enfance, OIT, 2012. Un bon départ : éducation et éducateurs de la petite enfance Vous pouvez consulter le document ici.  

[3] Neuman, M. J., K. Josephson, P.G. Chua, 2015. Analyse de littérature : le personnel d'éducation et protection de la petite enfance (EPPE) dans les pays à revenu faible et moyen Vous pouvez consulter le document ici.  

Nouvelles
  • 09.09.2020

La gestion des enseignants dans les camps de réfugiés : le cas de l’Éthiopie

L’Institut international de planification de l'éducation (IIPE-UNESCO) et l’Education Development Trust sont heureux d’annoncer la publication du Teacher Management in Refugee Settings: Ethiopia, la première d’une série d’études de cas nationales visant à identifier les politiques prometteuses en matière de gestion des enseignants du primaire dans les différentes régions du monde accueillant des réfugiés.

Les enseignants sont un pilier de l’apprentissage. Pour les enfants réfugiés, les enseignants sont bien plus encore : des éducateurs, des mentors et des liens vers un nouveau domicile. La présence d’enseignants bénéficiant du soutien nécessaire peut permettre aux réfugiés de prospérer. Cela est également le cas en Éthiopie, où se concentre l’une des plus importantes populations de réfugiés d’Afrique, qui est passée de 100 000 personnes en 2008 à 680 000 en 2019, dont un quart d’enfants. Connaître le profil des personnes qui enseignent dans les camps de réfugiés et savoir comment elles sont gérées constituent deux éléments cruciaux pour leur avenir.

Cette étude reconnaît que les enseignants sont eux-mêmes des membres des communautés affectées et de potentiels agents de réformes politiques positives. Elle identifie les stratégies d’exécution et les politiques prometteuses en matière de gestion des enseignants du primaire dans les régions accueillant des réfugiés et révèle les domaines qui doivent faire l’objet de nouvelles politiques et de mise en œuvre abouties. Cette étude de cas a été rendue possible grâce au généreux soutien de l’UNICEF en Éthiopie.

Elle est disponible en anglais à l’adresse suivante : https://bit.ly/3fBcMAG 

Blog
  • 08.07.2020

Les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les enseignants contractuels en Afrique subsaharienne

Basé sur une recherche effectuée par Pierre Varly pour la TTF, ce document s’intéresse aux répercussions du COVID-19 sur les enseignants contractuels des secteurs public et privé dans plusieurs pays d’Afrique et propose des recommandations visant à améliorer la résilience du système éducatif en cas de fermeture des établissements scolaires. Il a été publié pour marquer la sortie du rapport de l’Équipe spéciale sur les enseignants sur le recours aux enseignants contractuels en Afrique subsaharienne (résumé exécutif disponible en français et rapport complet disponible en anglais).

 

La crise mondiale de l’éducation à l’heure actuelle

La pandémie de COVID-19 a eu une incidence sans précédent sur les systèmes éducatifs. Au plus fort de la pandémie, 194 pays ont décidé de fermer l’ensemble de leurs établissements scolaires, affectant ainsi 63 millions d’enseignants des cycles primaire et secondaire. L’Afrique subsaharienne n’a pas été épargnée pendant cette crise : on estime que les fermetures d’établissements scolaires à l’échelle nationale ont affecté 6,4 millions d’enseignants.

 

Qui sont les enseignants contractuels ?

Les enseignants contractuels sont recrutés par des voies différentes et acceptent de travailler en dehors des régimes d’emploi classiques dans le cadre d’une convention collective de la fonction publique. Ils perçoivent un salaire pour le travail effectué, mais ne bénéficient d’aucun des avantages prévus par les normes du secteur public, tels que les congés annuels, la pension de retraite ou encore l’assurance maladie.

Si les enseignants contractuels détiennent généralement les mêmes qualifications académiques que leurs collègues de la fonction publique, ils sont souvent mal formés en pédagogie et ne bénéficient pas des programmes de formation professionnelle continue. En raison de leur statut, les enseignants contractuels sont généralement moins bien payés et ont une situation moins stable, car leur emploi dépend des fluctuations du budget public, de la pression exercée sur les marchés et des capacités de paiement des prestataires d’éducation. 

En pratique, les enseignants contractuels ne peuvent être définis d’une seule manière. En Afrique subsaharienne francophone, par exemple, les termes « enseignant à temps partiel », « enseignant contractuel de l’État », « enseignant communautaire », « enseignant contractuel du service national » et « enseignant bénévole » désignent tous différents types de contrats d’enseignant. Les enseignants du secteur privé sont aussi parfois considérés comme des enseignants contractuels, car ils sont souvent payés directement par les écoles grâce aux frais de scolarité versés par les familles des élèves. Ils sont généralement moins bien payés que leurs collègues du secteur public. Il existe également différents accords public-privé, qui affectent le versement des salaires de diverses manières.

 

Les enseignants contractuels, un moyen d’élargir l’accès à l’éducation 

Pour réaliser le quatrième objectif de développement durable (ODD) (« Assurer l’accès équitable de tous à une éducation de qualité et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie ») en 2030, le monde aura besoin d’environ 69 millions d’enseignants, dont 17 millions pour l’Afrique subsaharienne seule. Pour pallier la pénurie d’enseignants à laquelle sont confrontées de nombreuses écoles d’État, le secteur public a recours aux enseignants contractuels, notamment dans les pays d’Afrique subsaharienne où la population d’âge scolaire s’est développée plus rapidement que le système éducatif des pays. D’autres pays ont bâti des écoles communautaires dans les zones isolées et rurales sur le modèle public-privé, qui font appel à des enseignants payés par les communautés locales ou au moyen de subventions gouvernementales.  

Il est essentiel de comprendre l’impact de la pandémie de COVID-19 sur les enseignants contractuels, car ils représentent une proportion élevée du corps enseignant dans de nombreux pays. Selon le Rapport d’État d’un système éducatif national (RESEN), ils représentaient au Niger 71 % de l’ensemble des enseignants des cycles primaire et secondaire en 2017, tandis que les enseignants communautaires sous contrat constituaient au Tchad 64 % des enseignants du cycle primaire en 2014. Si la proportion d’enseignants contractuels dans le corps enseignant du cycle primaire au Burkina Faso était infime en 2002, elle est passée à 81 % en 2015. À l’inverse, la proportion d’enseignants contractuels au Mali est passée de 79 % à 29 % entre 2009 et 2014. Cette diminution fait suite à la décision prise par le gouvernement sous la pression des syndicats enseignants, à savoir intégrer plus de 40 000 enseignants contractuels et communautaires au corps enseignant de la fonction publique.

 

Paiements retardés et autres incidences sur les enseignants contractuels du secteur public

Le COVID-19 a affecté l’emploi et le salaire des enseignants contractuels du secteur public de différentes manières. Les contrats des enseignants contractuels du secteur public au Cameroun, au Niger et en Zambie n’ont pas été suspendus. Les enseignants ont également perçu des versements de salaire régulier malgré la fermeture des établissements scolaires. 

Cette situation contraste avec celle du Togo, où les enseignants « bénévoles » représentent respectivement 27 %, 41 % et 25 % du corps enseignant du cycle primaire, du premier cycle du secondaire et du second cycle du secondaire. Leurs contrats n’ont pas été suspendus ni résiliés, mais le versement régulier des salaires s’est avéré plus compliqué. Fin mai 2020, l’Agence nationale du Volontariat au Togo (ANVT) versait des paiements réguliers à près de 900 enseignants contractuels, mais 9 400 autres, soit environ 1 enseignant togolais sur 6, n’avaient reçu aucune aide de l’État. 

Il semble aussi que certains enseignants contractuels au Kenya n’aient pas été rémunérés : le versement des salaires dépend en effet des systèmes de gestion des établissements, et n’a donc pas été possible en raison de la fermeture des établissements scolaires. D’après l’étude menée conjointement par l’UNESCO, l’UNICEF et la Banque mondialesur la riposte des pays face à la crise, le Burkina Faso et la Guinée vont également interrompre les paiements versés aux enseignants contractuels, tandis que le Ghana et la Sierra Leone verseront des salaires revus à la baisse. Selon Filbert Baguma, le secrétaire général du syndicat enseignant de l’Ouganda (Uganda National Teachers’ Union), le versement régulier des salaires des enseignants contractuels a également été affecté dans le pays.

Même si leur situation n’est pas une conséquence directe du COVID-19, 2 500 nouveaux enseignants recrutés à la fin de l’année 2019 au Niger attendent encore de recevoir leur salaire pour les premiers mois de 2020. Comme ils s’étaient endettés pour se rendre jusqu’à leur lieu d’affectation, ils ont été forcés de quitter leur poste pendant le confinement, puis de revenir pour la réouverture des établissements le 1er juin (Internationale de l’Éducation, 2020). En Côte d’Ivoire, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle a annoncé le versement prochain des salaires de 10 300 enseignants recrutés en 2019.

En Gambie, les enseignants temporaires dont les contrats ont pris fin en mars 2020 n’ont pas pu repostuler en raison de la fermeture des établissements scolaires, et perdu de ce fait leur revenu régulier.

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Lisez le résumé exécutif en français et le rapport complet en anglais

Crédit de la photo utilisée pour cet article : Dietmar Temps / Shutterstock.com