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  • 09.05.2023

Construire des systèmes éducatifs transformateurs grâce à l’élaboration d’une politique holistique à l’égard des enseignants : les leçons de l’Afrique subsaharienne

Ce blog a été rédigé par le professeur Yusuf Sayed à l’occasion du lancement du rapport conjoint de l’UNESCO et de l’Équipe spéciale sur les enseignants,Soutenir les enseignants par l’élaboration de politiques.Leçons de l’Afrique subsaharienne, lors de la 10e Conférence sur l’enseignement et l’apprentissage de la Fédération africaine des autorités de régulation de l’enseignement (AFTRA) et de la 12e table ronde en Namibie, 9-12 mai 2023.

 

Le Sommet sur la transformation de l’éducation a souligné que pour mettre en place une éducation plus résiliente et transformatrice, les pays doivent s’attaquer à un certain nombre de problèmes concernant les enseignants, notamment les pénuries de personnel qualifié, les possibilités limitées en matière d’éducation et de formation, le statut professionnel inférieur, les conditions de travail inadéquates et les limites à leur autonomisation et à leur capacité d’innovation. Mais alors que ces questions sont au cœur des préoccupations de nombreux décideurs politiques, la pénurie d’enseignants ne cesse de s’aggraver. L’Afrique subsaharienne doit recruter près de 16,5 millions d’enseignants pour parvenir à une scolarisation universelle dans le primaire et le secondaire. En outre, une minorité substantielle d’enseignants n’a eu qu’un accès limité à la formation ou aux possibilités d’améliorer leurs compétences, et seuls 69 % des enseignants du primaire et 61 % des enseignants du secondaire possèdent les qualifications minimales requises dans la région. Les conditions de travail, les salaires et les positions contractuelles des enseignants sont inadéquats, et leur participation à la formulation des politiques est limitée. Dans 20 pays d’Afrique subsaharienne, les enseignants du primaire gagnent en moyenne moins de 7 500 dollars PPA par an.

La politique à l’égard des enseignants est essentielle à la réalisation des ODD

La cible 4.c des objectifs de développement durable engage le monde à : « D’ici à 2030, accroître considérablement le nombre d’enseignants qualifiés, notamment au moyen de la coopération internationale pour la formation d’enseignants dans les pays en développement, surtout dans les pays les moins avancés et les petits États insulaires en développement ». Cela souligne le fait que l’on comprend de plus en plus que des enseignants de qualité, capables d’enseigner efficacement, sont nécessaires pour garantir un apprentissage tout au long de la vie inclusif, équitable et de qualité pour tous. De nombreuses politiques régionales aboutissent à la même conclusion, notamment la Stratégie continentale de l’éducation pour l’Afrique de l’Union africaine (UA-CESA) 2016-2025, l’Agenda 2063 pour l’Afrique et le Cadre de compétences des enseignants d’Asie du Sud-Est.

L’élaboration de politiques nationales holistiques et globales concernant les enseignants est essentielle pour atteindre ces objectifs et aider les enseignants à jouer leur rôle dans la construction d’un monde plus durable. À cette fin, l’Équipe spéciale sur les enseignants et l’UNESCO ont élaboré conjointement le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante afin d’aider les décideurs et les praticiens nationaux à élaborer des politiques holistiques, globales et intégrées pour les enseignants, qui tiennent compte de toutes les dimensions de leur travail et de leurs pratiques. Le guide préconise une approche systémique à long terme, ainsi qu’un examen et une réflexion continus afin d’améliorer en permanence et d’aligner la politique relative aux enseignants sur le paysage politique plus large, y compris les plans du secteur de l’éducation, les perspectives intersectorielles et les objectifs nationaux.

Ce guide a déjà été utilisé dans toute l’Afrique subsaharienne pour élaborer une politique efficace à l’égard des enseignants. Soutenir les enseignants par l’élaboration de politiques. Leçons de l’Afrique subsaharienne examine ces progrès afin de mettre en évidence les enseignements, les bonnes pratiques et les recommandations que d’autres pays peuvent appliquer. Les pays participants étaient le Bénin, le Burkina Faso, le Ghana, la Guinée, le Lesotho, Madagascar, le Malawi, le Togo et l’Ouganda.

Élaborer des processus d’élaboration des politiques structurés et inclusifs

Le processus d’élaboration de la politique est essentiel à son succès. L’étude souligne l’importance d’utiliser des cadres de collaboration pour élaborer des politiques, sur la base d’un large éventail de perspectives et de voix, y compris celles des commissions de la fonction publique et du service des enseignants, des établissements de formation des enseignants, des responsables régionaux de l’éducation et des inspecteurs. La prise en compte de la voix des enseignants s’est avérée essentielle ; les cadres qui mettent l’accent sur le dialogue social et qui font appel aux enseignants et à leurs représentants ont contribué à garantir l’adhésion des enseignants.

Dans tous les pays, une structure de comité à deux niveaux s’est avérée efficace pour gérer les processus d’élaboration des politiques. Un comité directeur composé d’une équipe centrale de décideurs de haut niveau a assuré l’orientation stratégique et la supervision, tandis qu’un comité technique, relevant du comité directeur, était responsable du travail d’élaboration au jour le jour. Ce système a permis de s’assurer que les processus étaient perçus comme inclusifs et transparents, avec une participation significative des parties prenantes tout au long du processus.

Utilisation du Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante pour éclairer le contenu

Le guide a servi à éclairer le contenu des politiques nationales relatives aux enseignants et a été jugé facile à mettre en œuvre, pratique et pertinent. Ainsi que le recommande le guide, les pays ont lié la vision de la politique relative aux enseignants aux politiques et plans globaux en matière d’éducation et aux cadres nationaux de développement social et macroéconomique. Tous les pays ont inclus dans leurs politiques les neuf dimensions clés du guide : le recrutement et le maintien des enseignants ; leur formation ; leur déploiement ; les structures de carrière ; l’emploi et les conditions de travail des enseignants ; la récompense et la rémunération des enseignants ; les normes applicables aux enseignants ; la responsabilisation des enseignants ; et la gouvernance des établissements scolaires. Chaque pays a adapté les dimensions à son propre contexte, en les organisant différemment autour d’axes stratégiques thématiques nationaux déterminés par un processus de réflexion et de collaboration. Certains pays ont constaté qu’ils avaient des besoins supplémentaires en matière d’élaboration de politiques, ce qui a entraîné le développement de nouvelles dimensions, telles que le dialogue social et l’autonomie des enseignants, ainsi que des thèmes transversaux tels que l’inclusion et le genre.

Enseignements pour les partenaires dans l’élaboration

L’examen a montré que les partenaires dans l’élaboration, y compris les organisations internationales, les agences d’aide bilatérale et les organisations de la société civile, peuvent jouer un rôle essentiel en aidant les pays à élaborer leurs politiques, en fournissant un soutien financier et technique et en contribuant à la coordination. Les agences internationales peuvent également contribuer à la mise en place d’instances internationales et de plates-formes en ligne pour l’apprentissage et le partage des politiques, permettant aux pays d’apprendre les uns des autres et d’adapter les réponses politiques à leurs contextes nationaux. Les initiatives en cours, telles que les programmes de renforcement des capacités des enseignants, des chefs d’établissement et des autres personnels de l’éducation, peuvent également fournir des enseignements précieux pour l’élaboration des politiques.

Une politique holistique à l’égard des enseignants : un levier essentiel pour transformer l’éducation

Les enseignants peuvent changer le monde, mais ils ont besoin d’aide pour y parvenir. La réforme de la politique de l’éducation doit placer les enseignants en son cœur et, comme indiqué dans les recommandations finales sur les enseignants lors du Sommet sur la transformation de l’éducation, des politiques holistiques pour les enseignants doivent être créées, les enseignants jouant un rôle central dans l’élaboration des politiques et la prise de décision en matière d’éducation par le biais du dialogue social. Ces politiques peuvent offrir aux enseignants de meilleures conditions de travail et le soutien dont ils ont besoin pour offrir des expériences d’apprentissage équitables à tous les apprenants, y compris ceux qui sont marginalisés et défavorisés. Cependant, pour que cela se produise, il faut également améliorer le financement des enseignants grâce à des stratégies de réforme nationales intégrées et à une gouvernance fonctionnelle efficace, si l’on veut que l’éducation se transforme réellement et que les objectifs durables soient atteints.

Consultez le rapport de l’UNESCO/l’Équipe spéciale sur les enseignants : Soutenir les enseignants par l’élaboration de politiques. Leçons de l’Afrique subsaharienne.

Crédit photo : Kehinde Olufemi Akinbo

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  • 27.09.2021

Élaboration d’une politique enseignante adaptée aux situations de crise : webinaire et consultation internationale

Face à l’augmentation des perturbations et des crises mondiales, il ne sera pas possible de garantir une éducation de qualité inclusive et équitable pour tous d’ici 2030 ( ODD 4) si la planification de l’éducation n’est pas adaptée aux situations de crise. Les enseignants, qui sont le facteur le plus important au sein de l’établissement scolaire pour influencer les résultats de l’élève, sont souvent en première ligne dans les situations de crise. C’est pourquoi il est impératif de donner la priorité aux enseignants, de les soutenir et de les protéger par le biais d’une politique et d’une planification de l’éducation adéquates.

En s’appuyant sur la Note d’orientation sur l’élaboration d’une politique enseignante adaptée aux situations de crise élaborée conjointement par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’Organisation internationale du Travail (OIT) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en 2020 dans le cadre de l’Initiative norvégienne pour les enseignants (NTI), le webinaire sur les politiques enseignantes et la planification adaptées aux situations d’urgence et de déplacement qui s’est tenu le 16 septembre, a réuni des experts politiques, des représentants de pays et des enseignants pour mettre en évidence ce qui est nécessaire pour garantir une politique enseignante adaptée aux situations de crise.

Au cours d’une discussion qui a abordé les principaux aspects stratégiques du guide, les participants ont partagé les enseignements tirés des crises précédentes et actuelles, ont discuté du rôle des enseignants dans les contextes d’urgence et de déplacement, et ont plaidé pour un soutien accru des enseignants dans ces contextes.

Les déplacements créent des difficultés pour le recrutement, la formation et le déploiement des enseignants 

Si la COVID-19 a mis en lumière, à l’échelle mondiale, les difficultés auxquelles les enseignants sont confrontés lorsque la scolarité est perturbée, cette pandémie n’est qu’une des nombreuses situations de crise qui remettent en cause la continuité et la qualité de l’éducation à travers le monde. Selon le HCR (2021), fin 2020, 82,4 millions de personnes ont été déplacées de force en raison de conflits violents, de persécutions et de catastrophes naturelles.

Mme Angéline Neya Donbwa, secrétaire technique de l’Éducation en situation d’urgence au Burkina Faso, a fait écho au constat de Mme Alezuyo. Elle a ajouté qu’avec plus de 1,4 million de personnes déplacées et 2 444 écoles fermées au sein de son pays, le redéploiement d’enseignants depuis des zones ravagées par les conflits vers des villages déjà surpeuplés dans des zones plus sûres, représentait une difficulté majeure. Grace*, une enseignante déplacée originaire elle aussi du Burkina Faso, s’est exprimée sur les défis que pose l’enseignement à des enfants traumatisés. Elle a expliqué que certains de ses élèves rencontraient des difficultés à se concentrer en classe, avaient peur, ou réagissaient de manière agressive ou violente. Elle a également noté qu’au sein de sa classe, elle devait répondre non seulement aux besoins des enfants déplacés, mais aussi à ceux des enfants de la communauté du pays d’accueil.

Un soutien psychosocial et financier est primordial pour les élèves comme pour les enseignants

Un soutien psychosocial apparaît comme une dimension importante de la planification adaptée aux situations de crise. Mme Neya Donbwa a expliqué que la nécessité de recevoir cette forme de soutien avait été clairement exprimée par les communautés affectées par l’insécurité et la violence au sein de son pays. En plus d’avoir eux-mêmes besoin de soutien pour répondre aux épisodes traumatiques, les enseignants ont besoin de pouvoir faire face aux effets physiques et émotionnels de la crise sur leurs élèves. C’est ce qui a conduit l’équipe de Mme Neya Donbwa à élaborer un module pour faire face aux situations traumatiques. Ce dernier vient compléter leur formation « Safe Schools » (Écoles sûres), conçue pour préparer les enseignants aux situations de crises.  

En outre, la stabilité financière des enseignants est souvent mise à mal lors de situations de crises et d’urgence. Mme Neya Donbwa a expliqué que continuer à verser un salaire aux enseignants ayant dû fuir une zone à risques était l’une des dispositions de leur stratégie de gestion des enseignants en temps de crise. De même, Mme Alezuyo a précisé qu’en temps de crise en Ouganda, les enseignants des établissements publics avaient continué à recevoir leur salaire jusqu’à leur redéploiement. Cela n’était toutefois pas le cas des enseignants des écoles privées pendant la crise de la COVID-19, comme l’a souligné Mme Stella Turehe, une enseignante ougandaise. Mme Turehe a indiqué que les pressions financières auxquelles les écoles privées avaient été confrontées pendant cette crise avaient entraîné la fermeture de nombreuses écoles et la perte d’emploi d’enseignants.

Le respect des mesures sanitaires demande de la flexibilité et de l’innovation

Le respect des mesures sanitaires de lutte contre la COVID-19 s’est également montré difficile pour les écoles et a parfois conduit à leur fermeture complète. En Ouganda, les mesures émises par le ministère de la Santé ont limité à 20 le nombre d’élèves par enseignant. Selon Mme Turehe, les écoles des camps de réfugiés — qui ont un taux d’inscription élevé — ont eu du mal à rouvrir. Cependant, en réponse à ces mesures, des enseignants ont mis en place un certain nombre d’actions avec le soutien d’organisations non gouvernementales, parmi lesquelles la création d’un système de double vacation pour permettre la réouverture des écoles, la promotion de l’apprentissage en ligne par le biais de tablettes, et de l’apprentissage en groupe dans les communautés d’étudiants réfugiés.

De plus, les enseignants ont également fait preuve d’innovation pour soutenir l’ensemble de la communauté scolaire pendant la crise de la COVID-19 en Ouganda. Ils ont organisé des campagnes promouvant le retour à l’école, mis en place des comités pour établir des liens avec les apprenants et les parents, créé des clubs d’étudiants et offert des conseils aux adolescents.

L’importance des mécanismes de communication et de consultation

Les mécanismes de communication et de retour d’information des enseignants sont essentiels afin de s’assurer que les décideurs politiques sont suffisamment informés des conditions en évolution constante qui caractérisent les situations de crise. Mme Alezuyo a expliqué qu’il existe différents niveaux de communication entre les décideurs politiques, les enseignants et les communautés de son pays. Elle a précisé de quelle manière ces niveaux sont propices à la planification d’une éducation adaptée aux situations de crise. Le système d’information sur la gestion des enseignants recense les niveaux de formation et d’expérience, ce qui facilite le déploiement des enseignants et une planification efficace pendant les crises. La communication au niveau de l’établissement scolaire et de la communauté s’est adaptée, y compris par le biais de téléphones portables, de radios et de plateformes de réseaux sociaux.

Consultation pour un nouveau module sur la politique enseignante adaptée aux situations de crise.

Le webinaire a par ailleurs lancé une consultation internationale afin de développer un nouveau module sur la politique enseignante et la planification adaptées aux situations de crise qui vient compléter le Guide pour l’élaboration d’une politique enseignante rédigé par l’Équipe spéciale internationale sur les enseignants pour Éducation 2030. 

Le projet de module est disponible pour commentaires et suggestions d’études de cas au lien ci-dessous.

https://docs.google.com/document/d/1NC8h2fNfjYj3CxSI2jkQWOYjy2v5Zz1N/edit

Veuillez envoyer vos commentaires et suggestions avant le 1er octobre à sm.richter@unesco.org.


*Pour des raisons de sécurité, ce nom a été modifié.

Crédit photo : HCR/Eduardo Soteras